Winter break
Un film de Alexander Payne
Un article de Serge Leterrier
Winter Break n’est ni une comédie ni un drame, mais les deux à la fois. Une sorte de « comédrame » qui offre aux spectateurs une grande œuvre cinématographique transmutant le plomb comportemental, dans un purificateur règlement de comptes entre trois personnages au caractère aiguisé, en or délicieux pour ces laissés-pour-compte. Découvrant, dans l’alchimie miraculeuse de Noël, une émouvante réunion de trois solitudes menant à l’illumination des émotions.
Winter break de Alexander Payne offre une ode fantastique récompensée en deux fois aux Golden Globes 2024 dans la catégorie « Meilleur film musical ou du comédie » pour Paul Giametti et « meilleur actrice de second rôle » pour Da’Vine Joy Randolph. Un long-métrage pressenti aux Oscars avec 5 nominations, « meilleur film », « meilleur scénario original », « meilleur acteur », « meilleure actrice », « meilleur montage » … Rendez-vous le 10 mars 2024 pour la 96e Cérémonie des Oscars.
L’histoire
Hiver 1970, Barton Academy, lycée privé pour garçon de la Nouvelle-Angleterre.
Monsieur Hunham (Paul Giamatti) professeur d’histoire ancienne est chargé par sa direction de s’occuper des quelques élèves du lycée qui ne peuvent rentrer chez eux pour les vacances de Noël. Huncham est un personnage psychorigide, arrogant, rustre et le plus souvent malodorant. Angus Tully (Dominic Sessa), élève de l’institution aussi doué qu’insubordonné délaissé par sa mère. Cette dernière préférant convoler en juste noce avec son nouveau mari que de prendre son fils pour les fêtes de fin d’année. Résigné, le jeune garçon va se joindre au groupe des « consignés » jusqu’à leur départ… Lui restera avec le professeur ainsi que Madame Mary Lamb (Da'Vine Joy Randolph), la cheffe de la cantine qui a perdu son fils pendant la guerre du Vietnam et qui préfère ne pas fêter Noël.
Entre ces trois êtres aussi différents qu’ils soient, éprouvés par l’existence, vont se jouer de purs moments de grâce, qu’il serait peu charitable de spoiler. Trois laissés-pour-compte, que rien n’aurait dû rassembler…
C’est à travers les vicissitudes et les meurtrissures des personnages que le réalisateur de Winter Break, Alexender Payne dépeint les blessures de l’Amérique avec ses inégalités sociales, l’illusion du « pouvoir aux méritants » (La méritocratie) outil idéologique permettant de légitimer un système politique inégalitaire. Mais aussi l’utilisation et le sacrifice d’une tranche de populations des plus défavorisées durant la guerre du Vietnam, sans oublier l’inertie du gouvernement dans les problèmes humains. Des sujets abordés avec intelligence et justesse sans excès narratif. Un long-métrage qui met en exergue une œuvre résolument politique dans une vision tragi-comique ou comme je l’ai nommé dans son genre ; « comédrame ».
Winter Break me fait penser à Merlusse (NDLR : https://fr.wikipedia.org/wiki/Merlusse), un film français de Marcel Pagnol sorti en 1935, dont voici le synopsis :
Noël ! Il ne reste dans le grand lycée que quelques gosses oubliés par les leurs : les "orphelins", les "exilés", livrés au plus effrayant, au plus détesté des pions : Merlusse, au visage balafré...
Un film qui a véritablement influencé le cinéaste se servant de celui-ci comme le point de départ de cette histoire. Ce n’est qu’après-avoir lu le scénario de David Hemingson se déroulant dans un internat pour garçons que Payne a décidé de réaliser ce long-métrage. Une expérience nouvelle pour le cinéaste qui n’a jamais tourné de film d’époque. Il confiera d’ailleurs à ce sujet :
« J’ai étudié l’histoire et je m’y intéresse encore beaucoup. Je me rends compte que les films d’époque sont ce qui s’apparente le plus à un voyage dans le temps. J’ai adoré vivre cette expérience » …
Après un contact rude et âpre entre les deux personnages principaux (le professeur Huncham et Angus) qui s’épient, qui s’insultent aussi pour progressivement s’apprivoiser. Un film teinté d’humour où l’hilarité est présente dans la trame de ce récit. Un lycée privé blafard fait office de décor… Un établissement aux bâtiments sinistres et aux murs froids donne le tempo. Le tout relevé par la magistrale Da’Vine Joy Randolph dans son rôle le Cheffe de cuisine, Mary Lamb, qui apporte une humanité et une ambivalence nécessaire à cette histoire. Da’Vine accompagnée d’acteurs tous aussi fantastiques les uns que les autres au service de leur personnage. Le charismatique de Paul Giamatti époustouflant dans son rôle de professeur aigri par son existence et solitaire. Domicic Sessa incarnant Angus Tully qui distille subtilement le chaud et froid dans sa relation avec les autres révélant l’acteur qui fait, dans ce film, des débuts remarquables.
Winter break est, dans sa trame, un conte de Noël nuancé au travers de 3 personnages truculents qui dessinent avec aisance, de beaucoup de finesse et de générosité l’Amérique des années 70.
Une histoire seventies aux magnifiques dialogues…Hilarant, touchant, réalisée avec beaucoup de délicatesse, d’humanité et de cœur.
Winter Break de Alexander Layne
Durée : 2 h 13 min
Genre : Comédie dramatique
Scénario : David Hemingson,
Musique : Mark Orton,
Avec : Paul Giamatti (Paul Hunham), Da'Vine Joy Randolph (Mary Lamb), Dominic Sessa (Angus)
Avant Winter Break, Alexander Payne a réalisé Downsizing en 2017, Nebraska en 2013, The Descendants en 2011 et Sideways en 2004.
Sociétés de production : Miramax et CAA Media Finance
Sociétés de distribution : Universal Pictures (France), Focus Features (États-Unis)
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